Le jeûne intermittent consiste à alterner des périodes de repas et de jeûne, et à ne manger que durant un certain intervalle de temps. Cette approche est utilisée pour perdre du poids et pour ses effets bénéfiques sur la santé. Nos explications:
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Histoire:
Nos ancêtres chasseurs-cueilleurs traversaient souvent des périodes de disette. Contrairement à la situation actuelle, la nourriture n’était pas constamment disponible pour eux, et ils devaient marcher sur de longues distances et attendre avant de ramener une proie ou un panier de baies. Ils pouvaient donc fonctionner en pleine possession de leurs moyens physiques et mentaux même en période de jeûne, ce qui était indispensable pour leur permettre de chasser, d’affronter les dangers et les éléments, et de s’orienter pour trouver et cueillir la nourriture. Nous sommes donc génétiquement équipés pour traverser des périodes de jeûne, alors que notre espèce ne connaît que depuis très récemment la présence constante d’une nourriture abondante et variée, associée de plus à la sédentarité.
Mécanisme:
Pendant les périodes de jeûne d’une quinzaine d’heures au moins, les réserves de sucre s’épuisent et le corps commence alors à puiser l’énergie dans les réserves de graisse. Les graisses superflues sont alors brûlées. De plus, le jeûne déclenche à l’intérieur des cellules un processus appelé autophagie (=se manger soi-même), lors duquel les déchets accumulés dans les cellules sont détruits et recyclés. Si l’on mange de manière ininterrompue, ces déchets s’accumulent et surchargent les cellules, ce qui peut à la longue causer des maladies.
Le jeûne provoque plusieurs changements du métabolisme, notamment une réduction de la glycémie (=quantité de sucre dans le sang), une réduction des réserves de glycogène (=substance qui permet le stockage des glucides dans le foie et les muscles), la mobilisation des acides gras, la production de cétones (=substances qui se forment lorsque le corps puise l’énergie dans les graisses plutôt que dans le sucre), et une réduction de la leptine dans le sang (=hormone qui régule les réserves de graisse et l’appétit).(a) Le jeûne provoque aussi une augmentation de la vigilance et de l’acuité mentale. Finalement, cette méthode est gratuite et elle permet d’économiser sur les frais de nourriture.
Méthodes:
Le jeûne intermittent consiste à choisir une période pendant laquelle vous mangez et une période pendant laquelle vous jeûnez. Cette alternance doit être adoptée de manière récurrente. Il ne s’agit pas d’adopter un tel régime à vie, mais de le suivre durant quelques mois, en veillant à ne pas reprendre ensuite le poids perdu.
Il existe plusieurs approches du jeûne intermittent, mais les deux plus courantes sont la méthode 16:8 et la méthode 5:2. Les études disponibles ont rarement comparé directement ces deux méthodes et on ne sait donc pas laquelle est préférable pour perdre du poids et améliorer la santé.(a) Chacun choisira donc la méthode qui lui convient le mieux.
- La méthode 16:8 consiste à limiter votre alimentation à une fenêtre de 8 heures par jour et à jeûner pendant les 16 heures restantes. Par exemple, vous pouvez manger entre midi et 20 heures chaque jour, puis vous jeûnez de 20 heures à midi le lendemain. Prenez deux repas pendant cette fenêtre de 8 heures, pas trop copieux. Si vous ne supportez pas de sauter le petit déjeuner, vous pouvez le prendre vers 9h ainsi qu’un repas de midi suivi d’un en-cas dans l’après-midi (vers 17h), puis jeûnez ensuite jusqu’au lendemain matin (de 17h à 9h). Vous pouvez adopter cette méthode quelques jours par semaine, pas nécessairement tous les jours. Cette alimentation limitée dans le temps est la méthode la plus facile à suivre, et elle peut facilement s’intégrer dans la vie quotidienne.
Notez que certaines personnes n’entrent en état de cétose qu’après 17h ou 18h de jeûne, mais on peut raccourcir cet intervalle si on fait de l’exercice.(e) On peut déterminer si l’on est en état de cétose en utilisant des bandelettes de cétone urinaire disponibles dans le commerce.
- La méthode 5:2 consiste à manger normalement pendant 5 jours de la semaine, puis à limiter l’apport calorique à un tiers voire un quart de la quantité habituelle (donc 500-600 calories) pendant 2 jours non consécutifs de la semaine.
- La méthode 1:1 consiste à manger normalement un jour sur deux et à restreindre l’alimentation à environ un tiers ou un quart de la ration habituelle le lendemain.
- Ces méthodes valent mieux que des cures de jeûne prolongé, durant lesquelles on restreint fortement l’apport calorique pendant plusieurs jours d’affilée, avant de reprendre ensuite le cours de ses habitudes. En effet, on reprend en général très vite le poids perdu durant ce type de cure, et cet « effet yoyo » n’est pas bénéfique pour la santé. De plus, on perd aussi de la masse musculaire lors du jeûne prolongé.
- Même avec le jeûne intermittent, on risque à terme de reprendre le poids perdu, car le corps est équipé pour défendre sa masse grasse et pour la regagner après les périodes de disette. Donc l’effort doit porter sur le long terme, avec suffisamment d’activité physique, une alimentation équilibrée, et si nécessaire de nouvelles périodes de jeûne intermittent pour garder le contrôle sur son poids.
Indications et contre-indications:
Le jeûne intermittent est indiqué pour les personnes en surpoids ou obèses qui cherchent à perdre du poids. Son effet chez les personnes de poids normal est très peu documenté.(a) Le jeûne intermittent peut également être recommandé aux personnes qui présentent un risque élevé de développer des problèmes de santé liés à leur poids, tels que l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, les maladies cardio-vasculaires et le diabète.
Cependant, le jeûne intermittent ne convient pas à tout le monde. Les personnes souffrant de troubles de l’alimentation, de diabète, ou qui sont sujettes à l’hypoglycémie, doivent consulter leur médecin avant de commencer un régime de jeûne intermittent. En outre, certaines personnes peuvent avoir du mal à respecter un programme de jeûne intermittent, en particulier si elles ont l’habitude de manger fréquemment tout au long de la journée.
Effets secondaires et risques:
Comme pour tout régime, le jeûne intermittent présente des effets secondaires et des risques. Par exemple, certaines personnes peuvent ressentir des maux de tête, de la fatigue ou de l’irritabilité pendant les périodes de jeûne. Le jeûne peut entraîner une hypoglycémie (=manque de sucre dans le sang) qui peut causer des difficultés de concentration, des pertes d’équilibre et des étourdissements. Il devient alors difficile de travailler, et surtout il est alors risqué de conduire un véhicule, d’utiliser des machines ou certains outils, ou d’effectuer certains travaux (p.ex. sur échelles ou échafaudages), ou certains sports. En outre, il est important de s’assurer que vous continuez à recevoir tous les nutriments dont votre corps a besoin pendant les périodes de restriction de l’apport calorique.
Efficacité:
Sur l’humain: Le jeûne intermittent s’est avéré efficace à la fois à court et à long terme pour la perte de poids, avec une efficacité modérée: en moyenne entre 3% et 7% du poids corporel après une année (donc de -3 à -7 kg si on pèse 100 kg).(a) À court terme, les personnes qui suivent un jeûne intermittent peuvent constater une perte de poids rapide, surtout si elles l’associent à une activité physique régulière. À long terme, le jeûne intermittent peut être efficace pour une perte de poids durable et pour réduire l’inflammation, le stress oxydatif, le cholestérol, les triglycérides, la résistance à l’insuline, la tension artérielle et pour améliorer les valeurs hépatiques.(a) Le jeûne intermittent a donc des effets bénéfiques qui vont au-delà de la perte de poids.(a) Les études ont montré que le jeûne intermittent n’est pas accompagné d’une augmentation de la quantité de nourriture consommée durant les jours de non-régime,(a) ce qui est un résultat encourageant.
Tout le monde ne perd cependant pas de poids en jeûnant de manière intermittente, et la plupart des études avaient un suivi relativement court, en général pas plus d’une année après des périodes de jeûne durant jusqu’à 6 mois. L’efficacité n’est donc pas garantie pour tous, et des recherches supplémentaires sont nécessaires pour documenter les effets à long terme (sur plusieurs années) du jeûne intermittent sur le poids, la santé et la mortalité. De plus, les participants à presque toutes les études étaient en surpoids ou obèses, et il y a très peu d’études sur l’effet du jeûne intermittent sur le poids chez les sujets de poids normal, qui pourraient moins bien tolérer le jeûne que les sujets obèses.(a) De plus, la plupart des études n’ont enrôlé que peu de participants, et leur suivi était de courte durée.(b,c,d) Il est donc nécessaire de réaliser des études dans de grands échantillons et avec un suivi de plusieurs années avant de pouvoir tirer des conclusions sur l’effet à long terme du jeûne intermittent.
Sur l’animal: En laboratoire, le jeûne d’un jour sur deux prolonge la durée de vie des rongeurs et des vers nématodes, allant jusqu’à la doubler, et il préserve les fonctions cognitives et sensori-motrices chez les rongeurs âgés.(a) Le jeûne diminue la quantité de graisse viscérale et améliore le métabolisme du glucose et la sensibilité à l’insuline chez l’animal.
En résumé:
Le jeûne intermittent est une méthode efficace à court terme (une année) et bon marché, dont les effets bénéfiques pour la santé vont bien au-delà de la perte de poids. Soyez cependant attentifs à ses effets secondaires et à ses contre-indications, et tenez compte du fait qu’il existe peu d’études à long terme (sur plusieurs années), et presque pas d’études chez les personnes de poids normal.
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Lisez le dialogue entre le Dr Dusso et sa patiente Mme Jordil au sujet du jeûne intermittent.
Références:
a) Mark P. Mattson, Valter D. Longo, Michelle Harvie, Impact of intermittent fasting on health and disease processes, Ageing Research Reviews, Volume 39, 2017, Pages 46-58, ISSN 1568-1637,
https://doi.org/10.1016/j.arr.2016.10.005.
b) Radhika V. Seimon, Jessica A. Roekenes, Jessica Zibellini, Benjamin Zhu, Alice A. Gibson, Andrew P. Hills, Rachel E. Wood, Neil A. King, Nuala M. Byrne, Amanda Sainsbury, Do intermittent diets provide physiological benefits over continuous diets for weight loss? A systematic review of clinical trials, Molecular and Cellular Endocrinology, Volume 418, Part 2, 2015, Pages 153-172, ISSN 0303-7207, https://doi.org/10.1016/j.mce.2015.09.014.
c) Harris, Leanne; Hamilton, Sharon; Azevedo, Liane B.; Olajide, Joan; De Brún, Caroline; Waller, Gillian; Whittaker, Vicki; Sharp, Tracey; Lean, Mike; Hankey, Catherine; Ells, Louisa. Intermittent fasting interventions for treatment of overweight and obesity in adults: a systematic review and meta-analysis. JBI Database of Systematic Reviews and Implementation Reports 16(2):p 507-547, February 2018. | DOI: 10.11124/JBISRIR-2016-003248
d) Stephanie Welton, Robert Minty, Teresa O’Driscoll, Hannah Willms, Denise Poirier, Sharen Madden, Len Kelly. Intermittent fasting and weight loss. Canadian Family Physician Feb 2020, 66 (2) 117-125; https://www.cfp.ca/content/66/2/117.short
e) Trilokesh D. Kidambi, Michael W. Lew. Time-Restricted Eating Without Calorie Counting for Weight Loss in a Racially Diverse Population. Ann Intern Med.2024;177:eL230445. [Epub 16 January 2024]. doi:10.7326/L23-0445